REPORTAGE : Femmes portefaix, voyage dans un quotidien épuisant, mais plein d’espérance
Subvenir à ses besoins quotidiens par tous les moyens est la principale préoccupation de tous les êtres humains. En conséquence, nous assistons chaque jour à une course effrénée contre-la-montre, car chacun veut travailler pour se faire un peu d'argent afin d'être à l'abri des besoins non satisfaits. Plusieurs mères au foyer travaillent comme portefaix. Entre travail, maladies, soucis financiers, ces femmes portefaix n'abandonnent pas. Pour découvrir le monde des femmes portefaix au quotidien, nous avons passé une journée entière avec deux (Afi et Abla) d'entre elles, l'une au marché d'Antokpa, le plus grand marché à ciel ouvert d'Afrique de l'Ouest situé à Cotonou, la capitale économique du Bénin et l'autre entre la frontière Togo Bénin.
Bienvenue dans le 4ᵉ arrondissement de Cotonou. Nous sommes au marché de Dantokpa. Le soleil vient de se lever et le début d’une longue journée s’annonce. Des vendeurs plutôt matinaux déposent de bonne heure des marchandises par terre pour les uns, en magasin pour les autres. Et ceux qui n’ont pas de lieu fixe pour vendre leurs marchandises, peuvent compter sur leurs têtes.
Dans les rues de ce marché très animé, symbole de l’intégration sous-régionale, on aperçoit soudainement un groupe de femmes. Elles portent des marchandises, visiblement lourdes sur leurs têtes. L’une d’elles s’approche de nous et tente de nous vendre une serpillière. On apprendra plus tard qu’elle s’appelle Afi.
Un travail, seulement pour les besoins primaires
Au Bénin, Afi est une « dada ». Un nom dénotant le respect dû à la gent féminine. D’une quarantaine d’années, mesurant environ 1,55 m, Afi exerce en fait l’activité de portefaix dans le marché. Plus clairement, elle revend les draps, serpillières, serviettes achetés à des fournisseurs, et ceci, toute la journée. « Je vends des friperies, du matin au soir, sauf le dimanche. Je me promène avec ce chargement tous les jours, j’appelle les clients, je leur propose mes produits et j’espère gagner de l’argent », a déclaré Afi, le regard visiblement à la quête de potentiels clients.
Son petit commerce, Afi sait comment le gérer pour gagner de l’argent. Bien qu’il soit exigeant, il lui permet de subvenir aux besoins quotidiens de sa famille. « Ce travail est dur, mais il me permet de payer les divers frais de scolarité de mes enfants, le loyer ainsi que d’autres frais. Jusqu’à présent, je n’ai pas pu m’offrir un terrain. C’est mon vœu le plus cher », a-t-elle affirmé avec un ton d’insatisfaction, mais plein d’espoir.
Bien qu’Afi, détient tous les secrets de son activité pour s’en sortir au quotidien, elle n’est pas à l’abri de la fatigue, de la maladie. L’épuisement se lit sur son visage : « Je suis souvent malade. Le soleil me dérange le plus, alors pour me protéger, je cherche un abri et me repose un moment « , a-t-elle fait savoir.
La manutention des bagages est très répandue dans la sous-région ouest-africaine, notamment au niveau des aérogares et des bureaux de douane, qui sont devenus un véritable hub d’affaires. Et justement, nous avons pris contact avec une autre dame, Ablavi est son nom et elle est à la frontière Togo-Bénin. Elle a préféré l’anonymat.
La région est la destination d’innombrables jeunes femmes et hommes travaillant dans le secteur informel. Comme Afi, Ablavi est porteuse depuis une dizaine d’années, mais d’un genre différent. Elle propose des services d’aides aux passants en transportant leurs colis contre une somme comprise entre 400 francs CFA et 1000 Francs CFA le trajet. « Je suis là pour porter les bagages de ceux qui veulent. Je vais avec eux et quand ils arrivent de l’autre côté de la frontière, ils me paient », révèle Ablavi.
Les maux, l’autre douleur du métier
Si cette activité permet à cette dernière de survivre, elle n’est pas sans conséquence sur sa santé. « Ce métier est dur. Souvent après certaines heures de travail, j’ai très mal au torse, au dos et aussi aux jambes. Pour apaiser mes maux, je prends des cachets. Je n’ai pas d’autres choix. C’est dur, mais au moins ça me permet de survivre« , a-t-elle reconnu.
Selon la médecine, la charge maximale pour une femme dont l’âge avoisine la quarantaine de surcroît est de 20 kg et de 25 kg pour les hommes si le geste est répétitif. Dans le cas où cette norme n’est pas respectée, les individus risquent des entorses, des lésions, des blessures musculaires, et même de développer une hernie inguinale, entre autres maladies.
Tout compte fait, il serait idéal de réguler la prise de marchandises chez les commerçants et les commerçantes en prévoyant des mécanismes d’auto-pesage, surtout avec le contexte économique en plein essor du pays.
En attendant ce mécanisme, Afi, Ablavi, ainsi que leurs amies commerçantes, circuleront encore sous le soleil, dans les artères de la ville de Cotonou, ou dans la zone frontalière, à la recherche de leur pain quotidien. C’est évident qu’elles ne sont pas prêtes de changer de sitôt, leurs habitudes de peur de vivre davantage dans la précarité faute de moyens financiers pour subvenir aux besoins quotidiens de leurs familles.
Estelle Komlani