Elle est l’une des jeunes femmes enseignantes de l’Université de Kara au Togo. Dr Bétiré Daria OURADEI, toujours gaie et énergique a choisi dans son projet de vie l’enseignement au supérieur. Avec ce projet, elle se fixe très rapidement des objectifs bien déterminés et consent à faire des sacrifices. Après une partie des études supérieures Sénégal, elle rentre au Togo faire sa thèse. Dr Bétiré Daria OURADEI, est entrée d’abord à l’Université de Kara en tant qu’Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche. Elle cumulera cette fonction avec la préparation de sa thèse, qu’elle bouclera avec la soutenance de thèse en 2017. Ensuite, elle sera assistante puis Maître-Assistante.
Dans cette interview vidéo et écrite, Dr Bétiré Daria OURADEI nous raconte son parcours, les défis en tant que femme enseignante-chercheure…
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et partager votre parcours ?
Je suis Dr Bétiré Daria OURADEI, Enseignante-chercheure à l’Université de Kara. J’interviens au département de sociologie. Et je suis Maître Assistante.
J’ai fait la maternelle au jardin Marina, la moitié de mon primaire à l’école privée les plateaux et le reste de mon cursus à l’école privée Kouvahey à Lomé. Après le Baccalauréat en 2000, je me suis inscrite en première année de sociologie à l’Université de Lomé. Compte tenu des troubles et de l’invalidation de l’année, je me suis envolée vers le Sénégal où je me suis inscrite à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar en sociologie à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines. J’ai eu mon DEA (Diplôme d’Etudes Approfondies) en 2007 et j’ai vivoté en petits boulots avant de rentrer au Togo en 2010. Rentrée, je voulais m’insérer professionnellement, ce qui pourrait me permettre d’avoir des fonds avant de songer à faire une thèse. Cela n’a pas véritablement abouti mais cela ne m’a pas empêché de postuler pour la thèse avec l’aide de mes parents à un moment donné. En 2016, l’Université de Kara m’ouvre ses portes en tant qu’Attachée Temporaire d’Enseignement et de Recherche jusqu’à l’obtention de mon Doctorat en 2018. En 2020, j’ai été recrutée en tant qu’Assistante et depuis 2023 je suis Maître-Assistante. Voilà brièvement mon parcours.
La sociologie, quelle est la motivation pour ce domaine d’étude et comme choix de carrière dans l’enseignement ?
C’est toute une histoire derrière. J’ai toujours aimé venir en aide et je détestais l’injustice et beaucoup à la maison pensait que j’embrasserais le droit. C’était sans compter sur le fait que pendant les vacances à Alédjo chez notre oncle on avait la chance de côtoyer les sœurs du Foyer. Il y en avait une qui nous avait vraiment marqué, ma cousine et moi. Elle s’appelle sœur Anne et est médecin, on la suivait, fascinée par ce qu’elle faisait. Et déjà toutes petites, nous avions décidé que ma cousine et moi serions « sœur docteure ». Mais en évoluant dans mes études, j’ai constaté que j’étais moins brillante en mathématiques et à la longue j’ai dû reconsidérer mes projets. Le déclic va venir en classe de 3ème lors d’une discussion avec un de mes oncles qui s’était inscrit en sociologie. Il m’a montré les diverses possibilités qu’offrait la sociologie. C’est ainsi qu’après mon BAC sans hésitation, je me suis dirigée vers cette discipline.
Quelles ont été les plus grandes difficultés que vous avez rencontrées en tant qu’étudiante ?
Durant mon cursus universitaire, jusqu’à l’obtention de mon DEA, je n’ai pas vraiment rencontré de grandes difficultés mais lorsque je suis entrée dans le processus de thèse, j’ai appris qu’il fallait faire d’énormes sacrifices, accepter de se soumettre. C’est un chemin long et fastidieux qui t’apprend à se recentrer sur soi et à être humble. Mais durant ce parcours difficile, j’ai vraiment eu la chance de tomber sur un directeur impressionnant et une équipe formidable.
Quels sont les principaux défis que vous avez rencontrés en tant que femme dans l’enseignement supérieur ?
Les défis j’en ai beaucoup rencontrés et ils en restent encore que je dois relever. A mes débuts, je voulais toujours faire plus pour ne pas être différente de mes collègues et avoir leur reconnaissance. Mais aujourd’hui, j’affirme plus ma féminité et je veux me réaliser en tant que « moi Daria femme » dans ce milieu très masculin. Le défi essentiel que j’ai rencontré et je continue par faire face c’est comment aider la jeune fille étudiante à s’épanouir, à avoir confiance en elle et à croire en ses potentialités pour ne pas toujours chercher à s’accrocher à un homme.
Avez-vous été victime une fois de sexisme dans l’exercice de votre profession?, de la part des étudiants comme de vos collègues…
Non, vraiment j’ai eu de la chance, nous sommes à l’ère où l’on offre des opportunités aux jeunes filles de faire carrière et d’être des leaders dans leur domaine. Et plus encore, j’ai la chance d’être la seule femme actuellement dans le département de sociologie.
À votre avis, quel impact votre travail a-t-il eu sur vos étudiants, particulièrement sur les étudiantes ?
Je pense que l’impact est positif. Le fait de voir une femme au département à donner envie aux filles d’aller plus loin et à avoir plus confiance en elles. Ce n’est plus une chimère de penser que la fille peut briller. Certains jeunes garçons éprouvent de l’admiration et ils deviennent des leviers pour leurs jeunes sœurs et leurs collègues étudiantes.
Quels changements avez-vous observés concernant la présence des filles et femmes dans les études supérieures ?
A cette question, je porte une réserve car je n’ai pas de chiffres réels mais ce que je peux dire, c’est que, l’Etat, les organismes nationaux, régionaux et internationaux, aujourd’hui, encouragent les jeunes filles à aller loin dans leurs études en leur offrant des opportunités.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent réussir dans l’enseignement supérieur ?
Je leur dirai qu’il faut qu’elles aient un projet de vie clair et des objectifs bien déterminés. Pour atteindre ces objectifs, elles doivent faire des sacrifices, être disciplinées. Je pourrai résumer ces conseils en ces mots : objectif, discipline, abnégation.
Selon vous, quelles sont les priorités pour réduire les disparités femme-homme dans ce domaine ?
Pour réduire les disparités dans ce domaine, cela doit commencer par l’éducation à la base (la famille). À la maison, il faut montrer à la jeune fille qu’elle est intelligente et qu’elle peut, aussi, faire des prouesses. Je me rappelle cette citation de Joyce Carol Oates qui illustre bien l’éducation qui se passe au sein de nos familles « les petites filles sont complimentées quand elles se montrent douces, passives et dociles, quand chez les garçons, on valorise la fougue et l’espièglerie ». La fille tout comme le garçon peut être espiègle et le garçon tout comme la fille peut être docile. La fille tout comme le garçon doivent avoir une égalité de chances d’accès à l’école. Et au Togo, des mesures ont été prises pour que la fille aille à l’école.
Il faut accepter le fait que la fille aussi puisse faire certains métiers et accéder à certaines disciplines. La vie montre que lorsque la femme s’investit, elle fait mieux que l’homme. Il faut commencer par changer les mentalités et montrer aux parents que la jeune fille, tout comme le garçon, peut aller loin dans les études, se marier et avoir des enfants. Aux hommes, les sensibiliser pour qu’ils arrêtent de penser que la femme avec des diplômes n’est pas digne de foyer. Il faut énormément sensibiliser les femmes elles-mêmes pour qu’elles ne reproduisent pas les mêmes schèmes négatifs de l’éducation de la jeune fille.
Si vous pouviez transmettre un message à la société togolaise sur l’importance de l’éducation des femmes, ce serait lequel ?
Je donnerai ce proverbe africain qui illustre bien ma pensée : « Eduquer une femme c’est éduquer un village » ou soit « éduquer une fille c’est éduquer une nation ». Je dirai aussi cela « parents, investissez-vous pleinement dans l’éducation de la jeune fille tant au plan familial que scolaire ».
Propos recueillis par Eugenie GADEDJISSO TOSSOU