Le 28 mai, c’est la Journée mondiale de l’hygiène menstruelle. Un rendez-vous annuel pour sensibiliser, briser les tabous, et mettre en lumière les réalités vécues par des millions de personnes menstruées à travers le monde. Cependant derrière les chiffres et les actions, une question s’impose : et si on allait plus loin ?
Depuis des années, on parle d’hygiène menstruelle. Ce mot, largement utilisé dans les politiques publiques, les campagnes de sensibilisation ou les manuels scolaires, enferme les règles dans un cadre strictement sanitaire et biomédical. Il suggère que les menstruations sont sales, qu’il faut les cacher, les “gérer”. Et si justement, ce vocabulaire perpétuait la honte ? C’est ce que questionne le projet « Sang pour Sang : Uni·e·s pour la dignité », actif dans neuf pays en Afrique, Asie et Caraïbes. il faut changer de narratif. Passer d’un discours basé sur le contrôle des corps à une approche centrée sur la dignité et les droits humains.
Dans les pays concernés par ce projet piloté par Equipop et l’AFD, 93 % des personnes menstruées déclarent avoir subi au moins une forme de discrimination liée à leurs règles, ce qui est un chiffre alarmant. Derrière lui se cachent des récits d’exclusion, de honte, d’interdits absurdes : ne pas cuisiner, ne pas entrer dans un temple, ne pas aller à l’école. Dans bien des cultures, les menstruations restent synonymes d’impureté, une idée qui traverse les continents, les langues et les normes sociales. Le silence et la stigmatisation nourrissent une honte internalisée, transmise dès l’adolescence, particulièrement chez les filles et les personnes marginalisées.
Ce qu’on appelle “hygiène menstruelle” est en réalité un héritage du patriarcat : une manière de réguler et de contrôler les corps. Les règles deviennent un objet de contrôle social, un marqueur d’infériorité, un tabou qu’il ne faut surtout pas évoquer. Résultat : les personnes menstruées sont souvent réduites au silence, à l’invisibilité, à l’exclusion.
De même, tant que les réponses institutionnelles se limitent à la distribution de produits sans remettre en cause cette logique de honte, rien ne changera durablement, car ce n’est pas qu’une question de serviettes ou de tampons : c’est une question de justice sociale. Il est donc temps de repenser entièrement le traitement des menstruations dans la société. Et cela commence par un mot : dignité. La dignité menstruelle, c’est pouvoir avoir ses règles sans honte, sans peur, sans jugement, avec accès à des informations fiables, des produits surs, des lieux adaptés, dans un climat de respect, d’écoute, et de liberté de choix.
Changer les mots de “serviette hygiénique” à “serviette menstruelle”, de “gestion de l’hygiène” à “prise en compte des besoins dans la dignité” c’est changer de regard. Ce n’est plus une question de propreté, mais de respect, de vécu, de dignité. Et si on parlait enfin de dignité menstruelle ? Brisons les tabous. Changeons les normes. Utilisons les bons mots.