La seconde victimisation est une problématique souvent sous-estimée dans la société en général et dans les procédures judiciaires en particulier. La façon dont les victimes sont traitées peut profondément influencer leur perception de la justice et leur capacité à se reconstruire. Elle influence aussi la dénonciation des cas de Violences Basées sur le Genre et perpétue ces actes de violences. Nous posons cinq (5) questions au Dr Akossou Komlan Maurice, psychologue sur la problématique. Bonne lecture!
Que comprendre de l’expression ‘seconde victimisation’ ?
La seconde victimisation fait référence à la perception qu’a la victime de ne pas être soutenue ni acceptée par son entourage et par les institutions. Après une agression, les victimes recherchent du soutien et de la chaleur humaine, mais elles éprouvent souvent des difficultés à exprimer ces attentes. Par conséquent, elles ne reçoivent pas toujours l’aide dont elles ont besoin. Cette réaction est une conséquence normale de tout sentiment imprévu d’impuissance. La victimisation secondaire est souvent accentuée par le comportement professionnel et distant des intervenants judiciaires, créant chez la victime un sentiment de rejet et d’isolement.
Quelles sont les formes de seconde victimisation selon le type d’agression ?
Dans les cas d’agressions sexuelles, les victimes sont parfois traitées comme des coupables au sein du système judiciaire, notamment lors des contre-interrogatoires. L’avocat de la défense cherche à semer le doute sur la culpabilité du délinquant et peut aller jusqu’à insinuer que la victime est responsable des faits. Cette approche juridique peut renforcer la souffrance de la victime, constituant ainsi une forme de seconde victimisation.
Le comportement et le passé de la victime sont souvent mis en question. Par exemple :
- Une femme souffrant d’alcoolisme risque de ne pas être considérée comme un témoin crédible.
- Une victime attaquée dans la rue et agressée sexuellement peut être vue comme impliquée dans un cas de prostitution si l’agresseur prétend avoir payé.
- Une femme s’étant rendue chez un homme a souvent peu de chances de voir son agresseur condamné, car on lui demande ce qu’elle cherchait à cet endroit.
- Certaines stratégies de défense cherchent à faire croire que la victime a inventé l’agression pour éviter des représailles de son entourage.
Dans d’autres délits, les victimes expriment diverses plaintes liées à leur traitement par les forces de l’ordre :
- Un manque d’intérêt manifeste de la police ;
- Une impression d’être traitée comme une personne sans importance ;
- Une attitude laissant entendre que la victime fait perdre du temps aux enquêteurs ;
- Une absence d’information sur l’évolution de son dossier.
Cependant, des études montrent que, même lorsque l’arrestation du délinquant est difficile, les victimes se sentent mieux lorsqu’elles sont traitées avec respect et courtoisie par les policiers.
Les institutions judiciaires tiennent-elles compte de l’état psychologique des victimes ?
Cela dépend fortement de la sensibilité de chaque acteur judiciaire. Certains, ayant une expérience personnelle ou une forte empathie, adoptent une approche plus compatissante et prennent des décisions avec une sévérité adaptée à la situation. D’autres, moins sensibilisés, se contentent d’appliquer les règles sans chercher à comprendre l’impact psychologique sur la victime.
Comment améliorer l’approche judiciaire pour limiter la seconde victimisation ?
Afin de prévenir la seconde victimisation, il serait pertinent de :
- Sensibiliser les acteurs du système judiciaire à cette problématique et à ses conséquences ;
- Mettre en place des formations spécifiques pour favoriser une meilleure prise en charge des victimes ;
- Assurer une communication claire et régulière avec la victime afin qu’elle se sente accompagnée dans le processus judiciaire ;
- Intégrer des dispositifs de soutien psychologique dès le dépôt de plainte.
La prise de conscience collective sur cette question pourrait permettre une approche plus humaine et respectueuse des victimes.
Ceci est un article de sensibilisation dans le cadre du projet « Centre de promotion féminine d’Ogou1 et égalité femme-homme dans les communes du Togo » piloté par la Faitière des Communes du Togo (FCT) grâce à l’appui de l’Union Européenne et l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).
Propos recueillis par Eugenie GADEDJISSO TOSSOU