En ce 28 mai, Journée mondiale de l’hygiène menstruelle, l’occasion est idéale pour briser les tabous et redonner aux règles la place qu’elles méritent dans les conversations sociales, éducatives et même religieuses. À l’occasion d’un micro-trottoir mené dans les rues de Lomé dans le cadre du projet Miapé Dignité Menstruelle, nous avons tendu notre micro à des femmes et hommes pour recueillir leurs perceptions sur les menstruations.
« Quand on parle des menstruations, on se rend vite compte que pour beaucoup de filles, c’est un sujet entouré de honte, de silence, de tabous… Parfois même perçu comme une punition », affirme Rollande, entrepreneure. Mais pour elle, il n’en est rien : « Je ne vois pas du tout les menstruations comme une punition. Au contraire, c’est un phénomène naturel, une fonction biologique normale du corps féminin. Je l’assume pleinement, et je pense qu’on devrait toutes pouvoir en parler sans gêne. »
Cependant, la question des menstrues dépasse parfois le cadre biologique pour toucher à des croyances spirituelles profondes. C’est ce que partage Victoire, commerçante : « Sur le plan spirituel, j’ai un copain très engagé. Dès qu’il apprend que j’ai mes règles, il préfère suspendre nos échanges et me demande de l’approcher qu’à la fin. » Une pratique qu’elle respecte sans juger, même si, pour elle, « les menstruations ne sont pas une punition, mais un processus naturel qui valorise la femme et témoigne de sa capacité à donner la vie. » Cette spiritualité menstruelle est également évoquée par le Pasteur Anawi : « La menstruation est un tribut, un prix que la femme paie chaque mois pour l’ouverture de son utérus afin de procréer. C’est un sacrifice involontaire, une obligation pour être maman. » Il insiste : « La spiritualité de la menstruation est très profonde, et l’homme ne peut pas tout comprendre. » Une autre croyance s’exprime dans la culture musulmane, à travers les propos de Samsundin, conducteur de taxi-moto : « Quand une fille fait ses règles, elle ne doit pas approcher les endroits où on fait des cérémonies. Les menstrues ont leur puissance et les génies aussi. Les deux ne doivent pas se rencontrer. »
Par ailleurs, chaque femme vit ses règles à sa manière. Pour Victoire, elles durent entre trois et cinq jours. « J’utilise les serviettes hygiéniques disponibles sur le marché. Celles-ci ne dégagent pas d’odeur désagréable ; au contraire, j’apprécie parfois l’odeur. Mais si je ne change pas assez rapidement, cela peut devenir gênant. » Elle confie aussi que des gênes vaginales ou infections peuvent survenir après les règles, mais qu’elle les prévient avec des médicaments adaptés. Pour Hermine, revendeuse de cartes de recharges dans un kiosque, les règles sont tout à fait normales : « Je me sens femme. Certes, je n’ai pas vite commencé, mais en classe de 3e, on avait déjà le cours sur la reproduction, donc j’étais mentalement préparée. » Cette préparation n’est pas le cas pour tout le monde. Lidaou quant à lui évoque les difficultés des jeunes filles face à un sujet encore tabou : « Certaines paniquent, d’autres gardent cela secret. Elles ne comprennent pas ce qui leur arrive. Elles stressent. Et même après, beaucoup vivent cela comme une honte, une peur que cela se remarque publiquement. » il alerte également sur les risques mystiques selon certaines croyances : « On ne sait qui pourrait être en possession de ce sang, puisqu’il peut être utilisé à des fins mystiques. C’est du sang, et c’est la vie. »
Ce micro-trottoir révèle une réalité : les menstruations sont encore mal comprises, parfois mal vécues, souvent mal expliquées. Et pourtant, elles sont profondément liées à la vie, à la fertilité, au mystère du corps féminin. Si certaines cultures les considèrent comme impures, d’autres les célèbrent comme sacrées. Parler des règles, c’est briser un silence vieux comme le monde. C’est permettre à chaque fille de vivre ce processus en confiance, avec fierté. C’est aussi inviter les hommes à comprendre et à accompagner.
ADIKI Meheza Nadège