Reportage: De commerçante à adjointe au Maire, Élise Somahalo KPEKPASSE, le symbole de la ténacité
Personnalité considérée dans le monde des affaires et en politique, Madame Elise Somahalo KPEKPASSE est la patronne des Etablissements Elino. Partir de rien, elle est aujourd’hui l’une des femmes qui travaillent au quotidien pour le rayonnement de la ville de Kara dans la commune Kozah 1. Partir de Zéro , pour devenir héros, elle est une preuve.
Notre rendez-vous a lieu un lundi matin. Nous nous attendons à une rencontre dans les locaux de la mairie Kozah1 ou encore à la direction des établissements Elino dont elle est la Directrice Générale. Nos pronostics échouent, c’est plutôt au CHR Kara Tomdè que nous retrouvons Mme Elise Somahalo KPEKPASSE. Elle vient de boucler cinq jours aux chevets de son petit-fils hospitalisé. À notre arrivée, elle échangeait encore avec des femmes commerçantes comme pour dire, partout, on peut travailler.
Du sable de la rivière Kara à la cour des grands
Dame Élise a connu une enfance difficile avec des parents aux moyens limités : « C’est le fleuve Kara qui nous donnait tout. On transportait le sable pour deux cent cinquante (250) francs CFA par jour à l’époque et au bout d’un mois, nous gagnons sept mille cinq cents (7 500) francs CFA et jusqu’à la rentrée scolaire, nous nous retrouvons avec un peu plus de vingt-deux mille (22 000), ce qui nous permettait de préparer la rentrée scolaire», raconte-t-elle.
Elle a donc, grâce à cette activité, financé ses études jusqu’à l’obtention de son Brevet en… Elle décide alors de se lancer dans le commerce. D’abord, la femme d’affaires commence par la vente des bols plastiques, ensuite les assiettes en aluminium et autres. Ce commerce change de visage au regard des besoins du marché. Dame Élise va se diriger cette fois-ci vers l’alimentation générale: « des femmes venaient de Sokodé, vendre les produits alimentaires à Kara. Les gens se bousculaient pour les achats, j’ai observé la scène plusieurs fois et le déclic est venu. Je me suis donc lancée dans ce secteur par l’intermédiaire de ces femmes de Sokodé qui me laissaient le reste de leur stock, puisque je n’avais pas assez d’argent pour payer comptant », se rappelle-t-elle. C’est le début des Établissements Elino. Depuis plus de 35 ans, elle a su installer plusieurs boutiques d’alimentation générale dans la ville de Kara. Elle fait ses provisions dans la capitale togolaise, Lomé, convoie les marchandises vers sa ville de résidence.
« En politique, on peut ne pas avoir la même vision mais celle de la paix nous devons l’avoir en commun».
Des affaires commerciales, aux affaires publiques
Madame KPEKPASSE est la 2e maire adjointe de la commune Kozah 1. Elle fait ses premiers pas en politique au moment du parti unique, le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT). Elle explique : « lors de mes déplacements dans la sous-région, au Niger, au Burkina… pour faire des achats, je voyais qu’il y avait l’insécurité, surtout au Nigéria, un voleur peut t’attaquer devant les forces de l’ordre, personne ne réagit. J’ai vu qu’au Togo, ce n’est pas pareil. Je me suis dit, voilà cette paix-là, cette assurance qu’on nous laisse, pourquoi ne pas nous impliquer en tant que femme pour aider le parti à vraiment s’asseoir. C’est ce qui m’a amené à la politique », se rappelle-t-elle avec beaucoup d’émotions et de souvenirs. De jeune militante, Dame Elise aujourd’hui a porté plusieurs casquettes. À 27 ans, elle fut élue trésorière de l’Union Nationale des Femmes du Togo (UNFT) section Kara, ensuite Présidente du Rassemblement des Femmes Unies pour le Développement (RFUD). À ses 32 ans, elle fut élue présidente des femmes commerçantes du grand marché de Kara. Lorsque les élections municipales furent lancées, c’est donc tout naturellement qu’elle s’est présentée pour être élue en 2018, conseillère municipale puis 2ᵉ adjointe au maire dans la commune Kozah1.
Généreuses, attentive, compréhensive, humble et dynamique, le tout en Elle
Au marché, à la marie et aussi à la maison, Madame KPEKPASSE ne passe jamais inaperçue grâce à ses actions et sa présence aux côtés de son entourage. « Quand je vois maman Elino, j’ai peur de l’approcher vu sa carrure, mais quand j’y arrive, elle se baisse pour tendre une oreille attentive et m’écouter, elle est d’une grande humilité », a témoigné Esther, revendeuse des épices au grand marché de Kara. « C’est une femme battante, elle cherche l’évolution de tout le monde à travers les conseils qu’elle nous donne. L’honnêteté est tout ce qu’elle veut et exige de nous ses collaborateurs », a déclaré Gaston AWOESSO, gérant des Établissements Elino depuis 23 ans déjà.
À la Mairie, elle est la ‘mère’ d’une multitude. Un seul regard suffit pour l’alerter sur l’état d’une personne: « Au-delà du boulot, elle sait lire la mine que font les uns et les autres. Parfois, elle m’appelle comme une mère, échange avec moi pour comprendre certaines situations que je traverse qui ne sont forcément pas liés au travail. Elle fait tout pour qu’une solution soit trouvée», nous a raconté Essomanam TANGOU, Secrétaire particulière du Maire de la commune Kozah 1. À Madame ADJAGBA Brigitte, employée de bureau à l’état civil de la Mairie de renchérir: « Quand tu vas vers elle avec un problème, tu sortiras les dents blanches dehors. Elle reçoit tout le monde sans distinction et partout, elle peut te recevoir. Ce que j’apprécie le plus, elle n’est pas du tout rancunière».
Les responsabilités ni à la mairie, ni dans ses affaires n’empêchent pas Mme KPEKPASSE de jouer son rôle de génitrice: « Elle est à nos petits soins malgré ses activités, elle a toujours eu le temps pour nous. Nous sommes désormais grands mais quand on a besoin d’elle, elle est là. Ces petits-fils, c’est elle qui en prend soins aujourd’hui. Je dirai que nous avons une maman en or, la meilleure au monde », nous a confié Bijou AGBA, la fille aînée de celle qui est aussi appelée maman Elino.
Des échecs et du succès
Comme dans tout parcours humain, il y a eu des hauts et des bas pour Madame KPEKPASSE. Le succès, elle l’a eu dans ses activités: « mon travail m’a permis de nourrir ma famille, de m’occuper de mes enfants, ils ont étudié dans les meilleures écoles, ça me permet de vivre, ça m’a permis d’avoir où habiter, un petit moyen de déplacement, c’est ça j’appelle le succès », déclare -t- elle. Pendant qu’elle voyait ses activités prospérer, Dame Elise affronte le divorce. « Après avoir fait quatre enfants, il y a eu un malentendu, mon mari et moi sommes séparés et lui, il est parti vivre aux États-Unis, c’était l’échec. J’ai fait de mon mieux pour garder mon foyer mais malheureusement. Après des années, on s’est remis ensemble, il vit toujours aux États-Unis et moi ici avec les enfants. Ma joie au-delà de tout, est d’avoir ces merveilleux enfants», a-t-elle affirmé, visiblement émue.
Mme KPEKPASSE ne prêche que la paix, l’amour et le vivre ensemble au quotidien. Pour elle, c’est le socle même du développement.
Espoire TAWI