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INTERVIEW : « les larmes du clitoris », le chef d’œuvre du Roi Bokon pour sensibiliser contre les Mutilations Génitales Féminines

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Les Mutilations Génitales Féminines MGF sont une violation des droits humains. Elles « recouvrent l’ensemble des interventions qui consistent à altérer ou à léser les organes génitaux de la femme pour des raisons non médicales ». La pratique bien qu’universelle, est concentrée dans 30 pays d’Afrique et du Moyen Orient. Le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA) et le Fonds des Nations Unies pour l’Enfance (UNICEF) à travers un programme mondial font pieds et mains pour éradiquer le phénomène. L’une des actions qui se mènent pour en finir est bien sûr la sensibilisation. C’est ce qu’a fait l’artiste slameur Roi Bokon, à l’état civil Kokoutsè Gagnon Bokon en écrivant « Les larmes du clitoris ». Le champion national du slam patriotique en 2020 et champion de la coupe nationale du slam-poésie au Togo en 2021 veut à travers cette chanson, amener la génération Z à une tolérance zéro à la pratique des MGF.

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A l’occasion de la journée internationale de la tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines célébrée chaque 6 février, il répond à nos questions sur l’œuvre « les larmes du clitoris ».

Afrikelles : « Les larmes du clitoris », votre dernier chef-d’œuvre, quelle est la source de votre inspiration ?

Roi Bokon : Ça pourrait vous surprendre mais sachez que j’ai écrit ce texte en 2016, oui en 2016. A l’époque, avec ma formation en Droit à l’Université de Lomé, j’étais dans un groupe de jeunes juristes qui organisait très souvent des procès fictifs en ligne. C’est alors qu’un jour, il y avait une affaire fictive sur l’excision d’une jeune fille, et j’étais désigné pour porter le manteau de procureur de la République. C’est ainsi que je me suis saisi du « dossier » et en faisant des recherches sur le sujet pour préparer mon réquisitoire, je suis tombé sur le témoignage effroyable d’une jeune fille réellement victime d’excision. J’étais choqué et émotionnellement bouleversé. Et après le procès, tellement mon âme était affectée que je n’ai pas pu m’empêcher d’accoucher en vers ce fléau. Voilà un peu ce qui m’a inspiré.

Afrikelles : Les mutilations génitales féminines sont une forme de violence, pourquoi selon vous cette pratique continue d’exister ?

Roi Bokon : Cette pratique continue d’exister à cause du poids de la tradition. C’est un rituel ancestral qui se transmet de génération en génération. Et il est assez difficile de rompre une telle chaîne d’un jour à l’autre. En plus, on ne peut pas parler d’excision sans parler de sexualité. Or généralement en Afrique, la sexualité féminine est un sujet tabou. Du coup, aucune discussion n’est ouverte autour de la pratique dans les communautés.

Afrikelles : C’est un morceau de sensibilisation mais qui est en Français, pourtant dans les zones les plus touchées par le phénomène, le Français est moins parlé. Pensez-vous que votre cible peut être vraiment atteinte par le message ?

Roi Bokon : Nous sommes en musique et il faut d’abord dire que la langue parlée dans un morceau n’est pas forcément l’élément le plus important qui permet de toucher les cœurs. La musique est un stimulus puissant et l’on ressent souvent le fameux ‘frisson musical’ à l’écoute d’un morceau pas nécessairement familier.
Ensuite, ma cible est bien visée et il s’agit de la génération Z c’est-à-dire la génération des personnes nées à partir de 1995 jusqu’à aujourd’hui. Quoiqu’on puisse dire, cette génération est scolarisée, du moins leur niveau d’étude est nettement élevé par rapport aux générations X et Y. Et pour moi, c’est cette génération Z qui pourra éradiquer l’excision et toutes les formes de mutilations sexuelles dans notre société si elle est bien sensibilisée. Avec elle, la chaîne de transmission de ce rituel ancestral peut être brisée et nous pourrons ainsi atteindre l’un des objectifs de l’ONU qui est l’élimination totale des mutilations génitales féminines (MGF) d’ici à 2030.
Enfin, le choix du français est une ouverture sur les autres pays francophones qui pratiquent cette culture. La musique n’ayant pas de frontière, il faut arriver à toucher plusieurs personnes à travers le monde.

Afrikelles : Que faire selon vous pour venir à bout du phénomène ?

Roi Bokon : Il faut travailler sur les mentalités. Il ne s’agit plus de caresser le sujet mais de cogner les consciences des jeunes parents de notre génération en leur expliquant et montrant images réelles à l’appui les séquelles des mutilations génitales. Et quand les parents doutent, les exciseuses aussi se mettent à douter. Et c’est ainsi que la chaîne de transmission sera brisée. A la jeunesse donc de s’approprier ce combat. La tradition oui, mais pas celle à conséquences dévastatrices.

Afrikelles : « les larmes du clitoris » est disponible sur youtube. le Roi Bokon, merci !

ROI Bokon : Merci à vous pour l’intérêt porté à notre œuvre. Plein de bonnes choses à Afrikelles.

 

Propos recueilli par Eugenie GADEDJISSO TOSSOU

 

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