INTERVIEW : Winner Fandoumi, 22 ans ingénieure mécanique « Première de classe, pour un domaine, soi-disant réservé aux hommes »
Winner Fandoumi est l’une des rares jeunes filles togolaises ayant opté pour l’ingénierie mécanique. Âgée de 22 ans, elle également technicienne en énergie solaire. Lorsqu’elle a opté en seconde pour la filière F1, elles seront 2 filles contre 47 garçons. Les intimidations des camarades et parfois même des enseignants, de même que les mauvaises notes en début d’année n’ont pas fait fléchir Winner. Aujourd’hui, elle a pu faire taire ses détracteurs grâce à son invention en 2021, « un tricycle solaire pour les personnes handicapées ». Winner, pour être aujourd’hui la jeune fille engagée et dynamique qu’on connait aujourd’hui a su compter sur sa détermination et son enthousiasme mais aussi a bénéficié d’appuis, de bourses, de soutiens du gouvernement togolais et des organisations. A l’occasion de la Journée Internationale de la Fille célébrée chaque 10 Octobre, elle a bien accepté accorder une interview à AfrikElles Média. Bonne lecture.
Parlez-nous un peu de votre parcours ?
Tout a commencé quand j’ai décidé de prendre la voie de ce qui me fait vibrer le plus, de ma passion. J’avais donc décidé de choisir comme filière, la mécanique, série F1, au lycée. Au début, certains camarades du collège se moquaient de moi pour ce choix. Je me rappelle toujours les premiers jours de classe quand certains enseignants me disaient même que je devrais changer de série, d’aller faire la série D ou C, car disaient-ils, le génie mécanique n’est pas fait pour les jeunes filles ou femmes. Je me rappelle aussi surtout au début, de ces camarades garçons qui m’intimidaient et me disaient que je ne peux pas y arriver, que je n’en suis pas capable car je suis de sexe féminin par conséquent faible. J’avais donc beaucoup à prouver.
Au premier semestre de la classe de seconde mes notes étaient malheureusement catastrophiques, j’étais classée à la fin du semestre comme l’avant-dernière des admis. C’était l’occasion parfaite pour eux de me rappeler une fois encore que je suis incapable d’y arriver.
J’ai décidé de relever le défi, j’ai étudié dur, j’étais déterminée. Ainsi, à la fin du deuxième semestre j’étais classé deuxième de la classe, et pour la moyenne totale de la classe de seconde j’étais classée première de la classe. Première de la classe, pour un domaine, soi-disant réservé aux hommes ! Et ce n’était pas fini, tout au long de mon cursus scolaire au lycée, j’ai maintenu le cap de première de classe.
Par ce petit succès, j’ai pu gagner leurs respects et surtout le changement de mentalité.
Avec une mention excellente reçue pour mon projet de fin d’études en licence professionnelle génie mécanique en 2021, je continue mon chemin et aussi le combat.
Vous avez bénéficié de divers accompagnements, parlez-nous en un peu ?
D’abord, je vais parler de Compassion internationale Togo. A travers mon centre de développement la « Manifestation », Compassion a joué un grand rôle dans mon parcours académique et professionnel, il y a tellement à dire mais je retiens cette grande opportunité de bourse qu’il m’a accordée pour mes études universitaires à travers son programme CIV-EDU.
J’ai également été encouragée par le ministère de l’action sociale, de la promotion de la femme et de l’alphabétisation.
Assoiffée aussi par ce désir d’apprendre, d’acquérir des compétences solides en énergie solaire, j’ai suivi grâce à la bourse d’Electricité de France (EDF) à travers Energy Generation, une formation parallèle en énergie solaire et entreprenariat solaire.
Il faut noter que ces organismes, institutions, ministères qui encouragent la jeune fille jouent un grand rôle très important, donnent la possibilité de faire mieux, de faire la différence et aussi contribuent au changement de mentalité. Merci beaucoup à eux.
Qu’est ce qui définit le plus cette jeune fille engagée que vous êtes ?
La détermination à atteindre mes objectifs et impacter positivement la génération actuelle et future.
C’est rare de voir des filles dans votre domaine. Vous est-il arrivé une fois de vous sentir mal dans ce que vous faites ?
J’arrive à cette conclusion le plus souvent en disant, c’est l’ingénierie qui m’a choisi et non le contraire, je suis très à l’aise dans ce que je fais et cela me procure énormément de joie.
Quelles sont vos ambitions et projets ?
Je compte apporter dans l’avenir des solutions novatrices techniques et scientifiques aux problèmes qui minent la société Africaine et même au-delà de l’Afrique. Je vous laisse plutôt découvrir après.
Un conseil pour toutes les jeunes filles togolaises ?
N’écoutez pas les préjugés portés sur les jeunes filles que nous sommes, battez-vous pour vos rêves et ambitions. Tu as la capacité de transformer l’imaginaire en réel.
Merci et bon vent à vous!
Merci beaucoup. Toute ma gratitude pour l’occasion.