INTERVIEW : « La définition de la polygamie est pleine et entière. Elle englobe à la fois, la polygynie et la polyandrie » SERI JOSEE PALENFO, consultante-formatrice en droit
Une proposition de loi sur la polygamie optionnelle fait débat en côte d’ivoire. Le député Sangaré Yacouba, le 30 juin dernier, souhaite présenter à ses pairs une proposition de loi modifiant et complétant la loi N° 2019-570 du 26 juin 2016 relative au mariage. La Côte d’Ivoire, en 1964 a instauré la monogamie comme modèle de famille nucléaire. Sauf que, selon le député, la polygamie se maintient et progresse aussi bien dans les villes que dans les campagnes. « Vu la multi culturalité de notre pays, ma proposition de loi institue une polygamie optionnelle, laissée au libre choix de chaque citoyenne et citoyen » a-t-il précisé. Quelles seront les implications de cette loi si elle est adoptée ? À quoi peut-on s’attendre avec cette loi et pourquoi les organisations de promotion de femmes crient aux violations des droits de femmes ? Seri Josée Palenfo, consultante-formatrice en droit et experte en droit politique de nationalité ivoirienne donne des réponses précises et fait des analyses.
Quelle définition la législation ivoirienne donne à la polygamie ?
La polygamie en droit signifie pour un homme ou pour une femme de contracter mariage(s) sans avoir mis fin à la première union. Cette définition ressort de l’article 2 alinéa 1 de la Loi n° 83-800 du 2 août 1983 modifiant et complétant les dispositions de la Loi n° 64-375 relative au mariage du 7 octobre 1964. Cet article dispose que : « Nul ne peut contracter mariage avant la dissolution du précédent ». L’adjectif nul qui apparaît dans cet article est mis pour toutes les personnes liées dans le mariage c’est-à-dire les deux conjoints. Autrement dit, personne dans le mariage, sans distinction entre la femme et l’homme ne peut contracter plusieurs mariages. Le faisant ainsi, le législateur ivoirien admet que la polygamie est une forme de régime juridique qui peut être pratiquée soit par un homme, on parlera de polygynie ou par une femme on parlera alors de polyandrie. Et de fait, il interdit à ce jour cette pratique en droit ivoirien. C’est ainsi qu’une enquête est menée tant chez l’homme que chez la femme sur leur situation matrimoniale respective avant la célébration d’un mariage entre les deux.
La loi reprend dans l’article 2 alinéa 1, la formule de l’article 147 du Code civil français « Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent ». En d’autres termes, la polygamie est purement et simplement supprimée.
Il a s’agit pour la Côte d’Ivoire de la loi la plus « révolutionnaire » qui a fait de l’État ivoirien le premier pays d’Afrique francophone à adopter une mesure forte sur la situation des conjoints. Pour ce faire, la loi reprend dans l’article 2 alinéa 1, la formule de l’article 147 du Code civil français « Nul ne peut contracter un nouveau mariage avant la dissolution du précédent ». En d’autres termes, la polygamie est purement et simplement supprimée.
En ce qui concerne le sort des unions polygamiques contractées antérieurement à la date d’entrée en vigueur de cette nouvelle loi, l’époux ou l’épouse polygame conserve le droit acquis pour ses mariages antérieurs, mais ne pourra contracter un nouveau mariage qu’après dissolution de tous les mariages dans lesquels il ou elle se trouvait précédemment engagé(e). Cette situation d’autre fois est encadrée par les articles 13, 15, 17, 18 et 19 de la LOI N° 64-381 DU 7 OCTOBRE 1964 sur le mariage.
Cependant, la présence répétée des expressions coépouses et l’absence des expressions coépoux pourrait laisser croire que dans l’esprit du législateur ivoirien la polygamie ne concerne qu’une partie admise c’est-à-dire celle de la polygynie et pourtant non il s’agit de l’encadrement spécifique d’une pratique qui existait avant la loi en vigueur dont les cas présentés concernaient l’homme en présence de plusieurs femmes.
La loi sur l’autorisation de la polygamie inquiète les femmes qui crient à une violation de leur droit. Partagez-vous cette inquiétude ? En quoi ?
La loi sur la polygamie devrait inquiéter autant les hommes et les femmes qui apprécient la monogamie. C’est-à-dire un ou une partenaire unique légalement dédié(e) au conjoint. La polygamie donnerait le droit autant à l’homme qu’à la femme de contracter plusieurs mariages sous réserve des questions liées aux consentements. Si l’on s’en tenait au principe, les femmes ne devraient, en ce qui concerne leur droit dans le mariage, ne pas craindre une violation, car si la polygamie est partiellement appliquée dans certains pays africains, c’est-à-dire à l’avantage des hommes, en Côte d’Ivoire, la définition de la polygamie est pleine et entière, elle englobe à la fois la polygynie et la polyandrie. De plus, le législateur ivoirien œuvre de plus en plus à établir un principe égalitaire dans les droits et obligations des époux. Il ne pourrait alors dans le même temps se contredire dans l’esprit et les objectifs de ses lettres récentes.
En effet, il apparaît clairement que le législateur ivoirien tient à s’assurer d’un traitement égalitaire entre les époux. C’est ainsi qu’il met en mouvement la loi 2013-33 du 25 janvier 2013 portant abrogation de l’article 53 et modifiant les articles 58, 59, 60 et 67 de la loi n° 64-376 du 7 octobre 1964 relative au mariage telle que modifiée par la loi n° 83-800 du 2 août 1983 avec des mesures telles que la suppression de la notion de chef de famille, la liberté de la femme de décider pour elle-même ou encore le choix commun du ménage qui ont pour but de renforcer le principe de l’égalité des époux et d’accroitre l’autonomisation de la femme.
Cependant, en allant plus loin dans la réflexion, oui nous pouvons nous demander combien de foyers ivoiriens mettront en œuvre la polyandrie sans polémique ? C’est-à-dire une femme pour deux ou plusieurs hommes ? Je pense très peu, car la femme africaine est constamment jugée dans ses choix. La société africaine l’a longtemps restreinte dans ses libertés et ses choix. Et, c’est justement là le combat pour la protection des droits de la femme en Afrique. Qu’elle ait l’opportunité d’assumer et de pratiquer ses droits sans crainte ni jugement de la part de la société dans laquelle elle évolue.
Alors, partant de cet aspect très important de la situation, nous pouvons comprendre les craintes de violations des droits des femmes dans le mariage. Les hommes qui le désirent pourraient faire tranquillement ce choix, mais elles non, c’est plus une réalité sociale que juridique. Il s’agirait alors pour nous DDH d’une régression dans la lutte pour leurs droits et une situation complexe de plus à gérer pour la promotion de l’autonomisation de la femme ivoirienne.
Quels avantages ont les femmes ivoiriennes en se mariant sous un régime de monogamie même si l’époux a un ou des enfant(s) ou a une autre femme hors mariage ?
Dans le cas de figure, nous sommes en présence d’un ménage légal avec présence du délit d’adultère de la part de l’homme qui est puni par loi pénale en son article 391 alinéa 2.
Les avantages de la femme qui décide de se maintenir dans un foyer monogame malgré le cas exposé, c’est bien évidemment la préservation des droits liés à sa situation matrimoniale qui sont principalement les droits naturels officiellement reconnus et les droits pécuniaires.
La protection de la gestion habituelle de la famille, la protection de la vision de la vie familiale conçue et pratiquée, des objectifs de vies prévus et des prises de décisions égalitaires entre la femme et son époux.
Au-delà de cela, il y a aussi l’assurance de l’équilibre des enfants du ménage et du bien être psychologique de l’épouse restée longtemps monogame.