TOGO: Les pagnes tissés, l’art des femmes et filles de Dapaong
Très répandu en Afrique de l’Ouest, les pagnes tissés font également partie du savoir-faire des femmes togolaises. Dans la région des savanes, les femmes de la ville de Dapaong en font un bijou, des tisserandes nées. De leurs mains sont issus de beaux pagnes qu’arborent les hommes et femmes de tout pays et particulièrement de ce milieu lors des différentes fêtes traditionnelles ou encore lors des grandes cérémonies.
Sous un hangar, Awa, une jeune dame avec un foulard noué, assis sur un tabouret faisant face à un dispositif de fils, est concentrée. Des fils multicolores qui défilent du haut en bas, de gauche à droite, c’est ainsi qu’elle passe ses journées à faire des pagnes : « Ma mère était tisserande. J’ai passé toute ma vie à voir comment cela se fait. Maintenant, j’ai pris la relève », nous a-t-elle confié, sourire aux lèvres, les yeux légèrement tourné vers nous. Tout comme elle, Fatou est issue d’une famille de tisserands: « Nous ne faisons que ça dans notre famille. L’atelier de papa et maman est juste devant », nous montre-t-elle d’un doigt.
Encore un peu plus loin, sur la route de Sidiki, une dizaine d’ateliers de tisserands, non clôturés, se font voir. Pékidam, que nous rejoignons, dans sa posture, courbée, s’illustre par son habileté et sa rapidité dans le tissage avec des gestes fixes et précis. Les yeux figés sur son travail, elle répond à notre salutation par un hochement de tête le temps de finir une bande. Elle aussi a appris ce travail de ses parents : « C’est dans ce travail que nous sommes nés, mes frères et moi. Étant la seule fille, c’est tout à fait normal que je le fasse », lance-t-elle.
Des pagnes tissés, de l’art et de la précision
Pour tisser des pagnes, les tisserandes ont besoin essentiellement des fils de tissage de plusieurs couleurs: « D’abord, les fils nous viennent du Burkina-Faso. Dès la réception, il faut les laver, sécher et ensuite les bobiner et les ordonner pour commencer le travail. Chaque couleur a une signification et il faut savoir les aligner », renseigne Amida. Les dessins d’art, des objets et tout ce que les pagnes laissent entrevoir sont faits à la main. « Il faut avoir de la technique et de la créativité pour le faire. Ça prend assez de temps mais le produit fini est assez magnifique », confie T’labé, une autre tisserande de la même génération qu’Amida. Ces pagnes tissés sont vendus sur place ou au marché de la ville.
Le prix en vaut la chandelle
Les pagnes tissés ont un coût relativement élevé que les pagnes wax importés. La qualité des fils utilisés, le temps de tissage ; tout ceci explique les prix que fixent les tisserandes. Ces pagnes coutent au minimum dix-huit mille Francs CFA les deux yards (un pagne). Les pagnes tissés sont vendus à dix-huit mille francs CFA (18 000 francs CFA) pour les pagnes simples, les pagnes avec les motifs sont à vingt-deux mille cinq-cent (22 500), les pagnes doubles-faces ou avec les nouveaux motifs sont à vingt-quatre mille (24 000F). Lorsque ces pagnes sont cousus, les coûts sont encore plus élevés.
Cela ne décourage pas pour autant les amoureux de ces tenues traditionnelles : « Ce que j’ai porté là, c’est la faible qualité, en plus c’est tissé à la machine et je l’ai acheté à vingt-quatre mille. Ce qui est fait à la main est plus beau et plus de qualité, j’en ai un que j’ai acheté à quatre-vingt mille de nos francs », a affirmé Firmin, entrepreneur dans la région. Au-delà du confort qu’il trouve dans le port de ces pagnes, c’est aussi, pour lui, une manière d’encourager la production et la consommation locale. C’est aussi, d’ailleurs, ce qui motive Marthe: « Quand nous achetons et portons ces costumes de chez nous, nous créons de la richesse localement et ça fait développer l’économie du pays », a-t-elle expliqué.
Des hangars de fortunes aux ateliers bien bâtis
Le tissage des pagnes étant l’une des activités phares de la ville de Dapaong, le Centre d’Autopromotion Féminine (CEDAF) en fait une formation professionnelle diplômante en trois ans après un examen national. Créé depuis 1997, ce centre est ouvert aux jeunes filles qui viennent au métier de tissage des pagnes. Dotés d’un internat pour les jeunes filles, ce centre se trouve dans les locaux de Radio Maria, antenne de Dapaong et accueille toutes les jeunes filles désireuses d’apprendre sans distinction de religion, aucune. Viviane MONDO, Directrice de CEDAF, rassure sur la qualité de la formation : « Nous n’attendons pas des commandes pour travailler. Nous avons le fil et donc à tout moment, les apprenantes font des exercices. S’il y a une qui ne maitrise pas, c’est qu’elle n’ira pas à l’examen et ça ce sont des cas rares », explique-t-elle.
Le port des tenues traditionnelles « made in Togo » n’a toujours pas l’assentiment de tous, malgré les efforts du Gouvernement togolais à travers le mois du consommé local (octobre). Les pagnes tissés sont pleins dans les placards des tisserandes qui admirent la beauté de leur créativité en attendant les potentiels clients.
Espoire TAWI