Ameyo Dick est politologue, entrepreneure et activiste d’origine togolaise et installée à Berlin en Allemagne. Diplômée d’un master en politique, administration et relations internationales de la Zeppelin Universität Bodensee et d’une licence en sciences politiques de l’Université de Hambourg, elle déploie ses actions dans les domaines de la migration, de l’égalité des genres, de la santé, du développement durable et de la culture. Coordinatrice de l’immigration dans l’administration allemande, elle reste profondément engagée dans des projets éducatifs et sociaux au Togo, au Burkina Faso et en Allemagne. Fondatrice de YOBI Design, une marque qui allie mode et impact social valorise les tissus et savoir-faire africains, véritables trésors culturels, crée des opportunités professionnelles aux jeunes talents. Elle est également initiatrice du festival FESTOA (Togoisches Festival in Deutschland) et milite pour une société inclusive où l’éducation des filles et l’autonomisation des femmes sont des priorités.
Dans cet entretien exclusif, Ameyo Dick partage son parcours entre le Togo et l’Allemagne, les raisons profondes de son engagement et sa vision d’un avenir où les femmes et les filles peuvent réaliser pleinement leur potentiel.
Qu’est-ce qui vous a orientée vers les sciences politiques et les relations internationales ?
J’ai toujours eu une curiosité pour comprendre les systèmes qui gouvernent nos sociétés et comment les décisions politiques influencent concrètement la vie des gens. En grandissant entre plusieurs cultures, j’ai ressenti très tôt le besoin de bâtir des ponts entre les communautés. Les sciences politiques et les relations internationales m’offraient les outils intellectuels pour analyser, mais surtout pour agir sur ces réalités.
Qu’est-ce qui a déclenché en vous votre engagement pour la migration et le développement durable ?
Vivre moi-même l’expérience migratoire m’a permis de comprendre les défis, mais aussi les richesses que représente la migration. Très vite, j’ai voulu utiliser mon parcours et mes compétences pour faciliter l’intégration, tout en valorisant les cultures d’origine. Le développement durable s’est imposé comme un pilier, car on ne peut pas penser l’avenir des communautés sans considérer l’éducation, l’égalité et la préservation des ressources.
Dans vos engagements, que ce soit pour la migration, la culture ou l’égalité, quelle victoire personnelle vous rend la plus fière ?
Ma plus grande fierté est de voir des jeunes et des femmes que j’ai accompagnés prendre confiance en eux, poursuivre leurs études ou créer leurs propres projets. Chaque fois qu’une personne me dit : « Grâce à ce programme, j’ai trouvé ma voie », je sais que mon travail a du sens.
Avec YOBI Design, vous alliez mode et impact social : comment est née cette idée ?
L’idée est née de ma passion pour la mode et de mon désir de promouvoir une consommation responsable. Je voulais créer une marque qui non seulement valorise les tissus et savoir-faire africains, mais qui ait aussi un impact concret sur les communautés, en offrant des opportunités professionnelles à des personnes souvent exclues du marché du travail.
Quelles opportunités concrètes YOBI Design a-t-elle déjà offertes aux groupes marginalisés ?
YOBI Design a permis à des couturières et artisans de travailler dans des conditions décentes, de développer leurs compétences et d’accéder à un marché plus large. Nous avons aussi formé des jeunes femmes en situation précaire à des techniques de couture et de design, pour leur offrir une autonomie économique.
Vous êtes Directrice du festival FESTOA. Quelle est la motivation première de cet événement ?
FESTOA est né de l’envie de créer un espace de rencontre et de dialogue entre les cultures togolaise, africaine et allemande. C’est un festival éducatif et culturel qui met en valeur la musique, l’art, la gastronomie, mais aussi des conférences et ateliers sur des thèmes de société. Nous voulions que ce soit un événement qui unit, qui inspire et qui éduque.
Quel combat rêvez-vous de voir aboutir de votre vivant et comment rester motivée face aux obstacles ?
Je rêve de voir un monde où toutes les filles ont accès à une éducation complète, y compris l’éducation numérique, et où les grossesses précoces ne sont plus un frein à leurs ambitions. Face aux obstacles, je reste motivée en me souvenant que chaque petit progrès compte et que le changement est souvent le résultat d’actions collectives et persistantes.
Vous avez dirigé l’association Togo Goes On e.V. Quel projet vous a le plus marquée et pourquoi ?
Deux projets me tiennent particulièrement à cœur : la lutte contre les grossesses précoces et le festival FESTOA.
Mon engagement contre les grossesses précoces est né de constats de terrain. Lors de visites dans certaines régions du Togo et du Burkina Faso, j’ai rencontré de nombreuses jeunes filles dont les rêves et la scolarité ont été brisés par une grossesse non planifiée. Ces histoires m’ont profondément marquée, car elles illustrent combien les inégalités de genre et le manque d’éducation sexuelle et reproductive peuvent compromettre l’avenir d’une génération entière. Pour répondre à ce défi, notre association a mis en place des ateliers d’éducation sexuelle et reproductive dans les écoles et communautés, en partenariat avec des professionnels de santé et des éducateurs locaux. Ce projet est mené avec plusieurs associations togolaises, dont BEFE (Bien-être de l’Enfant et de la Femme). Nous œuvrons également pour l’autonomisation économique des jeunes filles grâce à des formations professionnelles, et nous menons des campagnes de sensibilisation auprès des parents et des leaders communautaires pour briser les tabous autour de ces questions.
Quant à FESTOA, c’est un festival éducatif et culturel qui favorise les échanges entre le Togo et l’Allemagne. Il permet de célébrer notre patrimoine tout en créant des espaces de dialogue et de réflexion sur des enjeux de société.
Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes africaines qui souhaitent s’engager dans la politique, l’entrepreneuriat ou l’action sociale ?
Je leur dirais : croyez en vos rêves, investissez dans votre formation et n’ayez pas peur de prendre la parole, même dans des espaces où l’on ne vous attend pas. Cherchez des mentors, entourez-vous de personnes qui vous inspirent, et gardez toujours en tête que votre parcours peut devenir une source d’inspiration pour d’autres.
Un dernier mot ?
L’engagement commence souvent par un geste simple. Si chacun fait sa part, même modestement, nous pouvons transformer nos communautés et créer un avenir plus juste et plus solidaire.
Propos recueillis par Eugenie GADEDJISSO TOSSOU