Désastre ! Le marché d’Agoè-Assiyéyé, le plus grand centre commercial de la préfecture d’Agoè-Nyvé est victime d’un incendie dans la nuit du 21 au 22 décembre 2023. Les commerçantes ont passé la nuit sur les lieux, elles y étaient toujours au lendemain, vendredi 22 décembre 2023, les yeux larmoyants, les mains sur la tête, le menton calé, couchées à même le sol. La tristesse est visible dans leur regard. Les interrogations sont plus pour la survie et le remboursement des dettes. Les ¾ du marché sont en cendre, les tôles calcinées mélangées aux restes de marchandises. Choses vues et constatées au lendemain du drame.
C’est un vendredi noir pour les commerçants et particulièrement les femmes commerçantes du marché d’Agoè-Assiyéyé. Depuis la nuit de l’incendie, la zone du sinistre est bouclée par les forces de l’ordre. Les sapeurs-pompiers sont à l’œuvre dans l’enceinte du marché, des psychologues déployés sur les lieux, se chargent du réconfort moral des victimes. L’atmosphère, polluée par la fumée et l’air frais de l’harmattan, est chargé de chaud, et de l’odeur de brulé témoigne du ravage de la flamme quelques heures auparavant.
Sauver encore ce qui peut l’être
Bien que la zone soit quadrillée et mise en sécurité, des commerçantes, les yeux gonflés et rouges, se bousculent pour tenter de sauver ce qui est encore récupérable. Chose impossible jusque-là, sécurité oblige. La fumée est encore perceptible dans les airs. Du côté sud-ouest où nous avons pu accéder, tout est calciné, que ce soit les céréales, des tubercules, des légumes ou les vêtements mélangés avec les tôles qui ont résisté à la flamme. Akofa, y vendait les légumes, elle peine à reconnaitre l’emplacement de son étalage : « c’est grave ce qui se passe ici, il faut avoir un cœur pour rester encore debout », nous a-t-elle lancé. Massan à l’autre bout des rubans de sécurité, supplie pour passer récupérer ne serait-ce qu’une bassine : « Je veux aller voir au moins ma place ! Il y a sûrement une bassine et mon tabouret. Je veux juste prendre quelque chose ! », s’exclame-t-elle. En réalité, elle garde encore espoir que son étalage ne soit pas touché par la flamme, nous a soufflé à l’oreille, sa fille, une adolescente.
Pendant que les flammes faisaient ravage, certaines personnes ont pu s’introduire dans le marché en bon samaritain. Sauf qu’elles y vont, pour la majorité, prêcher pour leur paroisse. Le côté Nord du marché qui rallie la route nationale numéro 1 par exemple est épargné par la flamme. Malheureusement, il est vandalisé par des individus: « Des jeunes nous approchaient pour nous aider à ramasser nos marchandises mais malheureusement, ils disparaissaient avec et aussi de l’argent emporté. Ils ont arraché des téléphones chez certaines pendant qu’elles étaient en communication », a confié maman René, une des commerçantes, retrouvée, allongée à même le sol.
Le drame de ces femmes a donc été une opportunité de vol pour des personnes malhonnêtes.
Nous assistons ce matin à un feuilleton. Les secours sont venus très tard pour jouer aux médecins après la mort et c’est dommage
Des fortunes parties dans les flammes
L’incendie dans le marché d’Agoè-Assiyéyé a occasionné d’importants dégâts matériels. Des stocks de céréales, des balles de friperie, des lots de pagnes… plus rien à prendre dans le marché.
Les femmes à la veille des fêtes de fin d’année ont contracté, pour la plupart, des prêts dans des institutions de microfinances pour renforcer leur étalage: « Mon prêt est sorti en début de semaine. J’ai pris 700 000F pour pouvoir faire la vente de fin d’année. Seulement hier jeudi, je suis allée à Assigamé pour faire de nouveaux achats. Je n’ai même pas pu déballer les colis avant de rentrer. C’est parti dans le feu », raconte Adjo. Maman Gado pense déjà à la survie de sa famille après ce drame : « Je suis vieille, mon mari est à la retraite. Je suis la seule à apporter de quoi manger à la maison. Je viens de prendre un prêt dans une microfinance, que vais-je devenir ? » murmure-t-elle, le regard perdu.
La solidarité exprimée
Au lendemain du drame, après que l’incendie fut maitrisé, des autorités sont passées pour exprimer leur soutien aux commerçants. Une délégation du gouvernement togolais, composé des ministres du Commerce, de l’action sociale, de la sécurité et de l’inclusion financière, a fait une descente sur le lieu du drame pour constater les dégâts, affirmer leur soutien aux sinistrés et aussi appeler au calme comme le communiqué du gouvernement l’a fait plus tôt. Le maire de la commune Agoe-Nyivé 1 a passé une bonne partie de la journée sur les lieux, jouant à la fois son rôle de maire mais aussi de psychologue. Une délégation du Mouvement Femmes UNIR a fait le déplacement sur le site, toujours pour les mêmes raisons.
Le chef de l’État a reçu en audience une délégation des femmes commerçantes de ce marché le vendredi 23 décembre. Une manière pour lui de témoigner son soutien et sa solidarité à ces femmes.
Au-delà des agents de sécurité, des sapeurs-pompiers encore présents sur les lieux, l’on peut apercevoir des personnes en gilet de la croix rouge et également des psychologues venus parler aux femmes. « Ils sont démoralisés et traumatisé. Il y en a que j’ai écouté qui n’ont pas pu dormir toute la nuit. Nous sommes là pour redonner espoir. Ce n’est pas la mort, la vie peut rejaillir », Abbé Paul BALASSA, prêtre catholique et psychologue déployé sur les lieux pour assister les victimes.
Ces démarches de solidarité, si elles sont appréciées par certains, d’autres pensent que c’est trop tard ! « Nous assistons ce matin à un feuilleton. Toute la nuit d’hier, nous nous sommes débattus pour éteindre les flammes mais hélas. Les secours sont venus très tard pour jouer aux médecins après la mort et c’est dommage », a déclaré Nukunu Yao Eklo, Président du Ton de la Jeunesse Patriotique.
Selon le communique du gouvernement, les sapeurs-pompiers ont été alertés autour de 21 h 35 minutes. Ils ont finalement fait appel à des renforts des pompiers du port, de l’aéroport, de la STSL, de la PIA, de l’ANASAP et du génie militaire. C’est finalement à 3h du matin que l’incendie a été maitrisé, selon le même communiqué.
Espoire TAWI