Dépense de couple : le 50/50, les femmes se retrouvent piégées
La contribution financière aux charges du couple est une question importante et parfois délicate à aborder. En Afrique, les rôles traditionnels de genre ont tendance à dicter que l’homme est le principal pourvoyeur financier du foyer, tandis que la femme s’occupe des tâches domestiques et des enfants. Cependant, cette vision a évolué avec le temps avec l’autonomie financière des femmes et la question de l’égalité entre les sexes. Aujourd’hui, la répartition des dépenses au sein d’un couple peut varier en fonction des choix des deux conjoints. Certains choisissent de mettre en commun leurs revenus pour couvrir les charges du ménage, tandis que d’autres préfèrent contribuer en fonction de leurs capacités financières respectives. Il existe également des couples qui optent pour un partage égal des dépenses, le fameux 50/50. Cependant, cette notion de partage égal des dépenses peut parfois être perçue comme inadaptée. Certains hommes estiment que la responsabilité de pourvoir aux besoins du foyer leur incombe en tant que chefs de famille. Néanmoins, ils ne voient pas d’inconvénient à ce que leur conjointe contribue financièrement, mais considèrent qu’il est insensé de lui demander une contribution égale.
« C’est une absurdité sous nos tropiques » la question du 50/50 dans le couple, s’exclama Nephtalie, journaliste, père de deux enfants et vivant en couple depuis plus de cinq ans. « Ma femme fait ses activités, je fais les miennes. On a une famille ensemble à gérer. Nul ne voit d’inconvénients à ce qu’elle intervienne financièrement si elle en a les moyens. Par contre, cela ne me dérangerait pas qu’elle ne contribue pas. Lui exiger une part égale, c’est insensé », soutient-il. Son point de vue est partagé par Richard qui indique pour sa part que « l’homme réclame le titre de chef de la famille ou de la maison. La responsabilité de chef ne se partage pas. Elle s’assume… ».
C’est une bonne idée mais qui ne va pas sans conséquences
Pour 50/50
Le débat autour du partage des dépenses au sein d’un couple, souvent qualifié de « 50/50 », suscite de vives réactions et interrogations. En effet, la question de l’emploi des femmes demeure un sujet brûlant même au 21ème siècle, marqué par des inégalités salariales persistantes. Selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques de France (2021), les femmes gagnent en moyenne 24% de moins que les hommes. De plus, une étude de l’ONU Femmes révèle que 89% des femmes en Afrique subsaharienne exercent un emploi informel, avec un impact sur leurs revenus et leur stabilité professionnelle.
Face à cette réalité, certaines femmes réussissent à percevoir un salaire équivalent voire supérieur à celui de leur partenaire, ce qui soulève la question de la gestion financière au sein du couple. Pour certains, adopter une approche de partage égalitaire des charges est perçu comme une solution équitable et pragmatique. Des témoignages comme celui d’Elikem, une togolaise vivant en Europe, mettent en avant la possibilité d’une répartition égalitaire des dépenses sans se focaliser sur les différences de salaire.« Je ne vois pas pourquoi refuser de faire le 50/50 dans le couple. Avec mon époux, nous partageons les charges à part égale bien que je ne connaisse pas son salaire et lui non plus le mien. Nous vivons très bien comme cela », rapporte-t-elle. « Je suis célibataire aujourd’hui et je paie toute seule les factures et autres. Quand j’emménagerai avec un homme, c’est vrai que ce ne sera pas les mêmes frais mais volontiers je ferai 50/50 » soutient pour sa part Adjo.
Le 50/50 ou le suicide du couple
Cependant, certaines voix s’élèvent pour mettre en garde contre les conséquences potentielles de cette pratique du « 50/50 » au sein d’une relation.
« C’est une bonne idée mais qui ne va pas sans conséquences. Du haut de mon expérience et après ce que je vis, c’est chose que je ne conseillerai pas », nous a confié un haut fonctionnaire, la cinquantaine. Jean, cadre de banque en couple avec une européenne est plus clair : « le 50/50 ne permet pas la stabilité du couple. L’homme se sent en rivalité avec sa femme et va chercher sa domination chez une autre femme », a-t-il confié.
L’apport financier de l’homme dans un couple est considéré ici, comme l’affirmation de sa masculinité. « Quand on dit qu’on est homme, c’est parce qu’on peut porter toute la famille. Tu laisses ta femme gérer les charges de la famille, tu vas devenir une serpillère pour elle et sa famille », a avoué Koffi, mécanicien.
Au-delà de la contribution financière
Les femmes jouent un rôle crucial dans la société. Pendant la grossesse, une femme voit son corps changer et peut parfois mettre sa carrière en pause. Elle est souvent responsable de l’entretien de la maison et de la cuisine, en plus de prendre soin des enfants. Cependant, quand il s’agit de partager les tâches ménagères de manière équitable, les hommes doivent aussi être prêts à assumer leurs responsabilités.
Carelle Laetitia Goli, juriste-féministe et présidente de l’Organisation pour la Réflexion et l’Action Féministe (ORAF), souligne que les travaux domestiques et la garde des enfants faits par les femmes doivent être valorisées financièrement. Elles peuvent être contraintes d’abandonner leur emploi pour s’occuper des enfants, ce qui limite leurs opportunités professionnelles. De plus, les femmes sont souvent celles qui prennent soin des personnes vulnérables, telles que les personnes en situation de handicap, les malades ou les personnes âgées, au détriment de leur propre vie.
Les femmes, qu’elles soient en couple ou non, ont des besoins spécifiques qui doivent être pris en compte. Lucile Quillet, auteure et féministe, souligne la pression esthétique imposée aux femmes en termes de critères de beauté, ainsi que la responsabilité contraceptive qui pèse principalement sur elles. Ces femmes doivent souvent jongler avec de nombreuses responsabilités afin de répondre aux attentes de la société.
Le débat sur la répartition équitable des charges financières dans un couple doit tenir compte de différents aspects, tels que les réalités socioéconomiques, les dispositions juridiques et même les croyances religieuses. Chaque couple trouvera le juste milieu.
Eugenie GADEDJISSO TOSSOU
Ceci est un article produit dans le cadre du projet « Centre de promotion féminine d’Ogou1 et égalité femmes-homme dans les communes du Togo ».