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INTERVIEW : « Je suis une sorte de cobaye pour mes cadettes », Capitaine KEKE Fafa, première femme togolaise capitaine de navire

Capitaine KEKE Fafa est une jeune femme, mère, marine marchande et première femme togolaise au titre de Capitaine au Long Cours. Elle est actuellement Capitaine du remorqueur BLESSING pour le compte de la société privée Gulf of Guinea Trading Company. La jeune dame, après des études en Côte d'Ivoire et au Maroc, revient servir sa patrie. Déterminée et rigoureuse, la Capitaine KEKE Fafa s’est rapidement confrontée à des discriminations en raison de son sexe. Elle partage avec nous sa double vie : la vie de mère et celle de mer. Mettez les voiles, bonne lecture!

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Une brève description de votre parcours scolaire et professionnel ?

Après l’obtention de mon Baccalauréat série D au Togo en 2012, j’ai d’abord effectué (2) années à l’Université de Lomé (U.L), option Agroéconomie à l’École Supérieure d’Agronomie (ESA) avant d’obtenir une bourse d’étude pour l’Académie Régionale des Sciences et Techniques de la Mer (ARSTM), à Abidjan en Côte d’Ivoire. Trois ans (03) plus tard, je suis nantie de diplôme Lieutenant au Long Cours de l’ARSTM Abidjan Avec le prix d’excellence obtenu des mains de la première dame de la Côte d’Ivoire, Mme Dominique OUATTARA.

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De là, j’ai effectué la phase pratique de la formation en naviguant durant 12 mois (sept mois à bord d’un navire à passagers et 5 à bord de remorqueurs de la société privée BOLUDA Lomé au sein du Port Autonome de Lomé). Cette expérience a favorisé l’obtention de mon Brevet d’Officier Chef de Quart Passerelle. Ledit brevet me donna le droit de retourner en cours théorique à l’institut Supérieure des Études Maritimes (ISEM), Casablanca au MAROC d’où je suis sortie Capitaine au long cours.

Après un stage de pilotage de six mois dans la section maritime du service des transports de la SNPT (Société Nouvelle des Phosphates du Togo) à Kpémé. Je suis, depuis décembre 2022, Capitaine de remorqueur qui opère dans les eaux territoriales.

 

 

Comment êtes-vous devenue Capitaine de navire ? Est-ce une coïncidence ou une passion nourrie ?

Comment j’y suis arrivée ? Avec du recul, je dirai un hasard provoqué qui a abouti à une passion nourrie. Mon père voulait que je fasse une filière militaire, je n’y adhérais pas du tout. Sans soutien au campus, j’ai fini par céder à sa demande. Une grande sœur, connaissance de mon frère, venait souvent à la maison et avait l’air super aisé. J’ai appris que son père était du domaine de la marine marchande. Ces deux raisons ont motivé ma décision finale. Et une fois à l’œuvre, la passion est née, je l’ai nourrie et je la nourris encore.

 

accès à bord au niveau de l’ancien port de pêche du pays m’a été interdit, car, de façon générale, c’était interdit aux femmes d’aller à bord.

Concrètement, en quoi consiste votre travail ?

J’ai une formation de Capitaine au Long Cours. Mon métier consiste à prendre de commande d’un navire d’un certain tonnage (un grand navire qui pèse plus de 3 000 tonnes par exemple), pour un voyage d’une longue durée (exemple d’un voyage intercontinental de l’Afrique en Europe).

Actuellement, je suis capitaine d’un remorqueur BLESSING qui offre des services en mer tels que les ravitaillements, le changement d’équipage, la livraison, l’assistance en mer, etc. Mon rôle est d’assurer la conduite en toute sécurité des biens et personnes à bord, de mener à bien nos missions en mer, de diriger, de gérer l’équipage (10 membres parmi lesquels, je suis la seule femme), et de rendre compte à ma compagnie.

 

Qu’est-ce qui vous passionne le plus dans ce métier ?

Je ne saurai le dire vraiment. Mais je pense que, l’environnement immense, dangereux, fort et au même moment vulnérable du métier. Le fait qu’il soit pratique, instable et évolutif. C’est un métier d’entraide qui offre un mode de vie unique.

Un fait positivement ou négativement marquant dans votre activité professionnelle ?

Les faits positifs. Je dirais l’influence ou l’impact de mon choix dans la vie d’autres femmes. En exemple, mes collègues Lady DANDJA, première et unique femme togolaise à bord d’un gazier ; LAMBONIE Reine, seconde Capitaine à bord des remorqueurs portuaires au Port Autonome de Lomé. D’aucuns diront que c’est peu, c’est vrai. Mais, pour moi, c’est une victoire car sur 2% de femmes marines dans le monde, nous sommes 3 Togolaises. Ce sont des vies impactées autour de nous, des mentalités qui changent et des voies ouvertes pour les générations futures.

 

Parfois, il y a ce sentiment de culpabilité d’être en mer plutôt que de jouer son rôle de mère

Première femme togolaise à être capitaine de navire. Quels en sont les avantages et les inconvénients ?

Les avantages, je dirais que cela m’ouvre certaines portes. Inconvénients, des portes me sont fermées parce que je suis une femme. Aussi, il n’y a pas de modèle, je suis des personnes d’autres nationalités avec d’autres réalités que j’essaie d’adapter à la mienne. Je suis une sorte de cobaye pour mes cadettes. La responsabilité que procure ce titre est grande. C’est un apprentissage perpétuel, beaucoup d’efforts, de sacrifices pour respecter ce rang.

 

 

Des discriminations subies et qui sont en lien avec votre sexe ? Si oui, lesquelles ?

Oui, ça arrive parfois. À plusieurs reprises, des années en arrière, l’accès à bord au niveau de l’ancien port de pêche du pays m’a été interdit, car, de façon générale, c’était interdit aux femmes d’aller à bord.

L’autre chose aussi, c’est qu’une fois à bord d’un navire, en tant qu’officier, à part mon boulot, je dois faire les tâches ménagères avec les waiters (serveurs garçons), car, pour eux, j’étais une femme et une femme c’est le ménage.

 

La vie de mère sur la mer, comment la gérez-vous ?

 

Une vraie organisation. Je remercie ma mère que j’ai transformée en super nounou. Ma gratitude également à mon entreprise employeur qui, bien qu’il n’y ait pas de précédente, a su trouver une belle formule au niveau de mon emploi de temps, pour me permettre de gérer ma vie de mère.

Au début, ce n’était pas évident, j’étais à l’allaitement maternel exclusif. Il fallait tirer le lait, partir, sans savoir pour combien de temps. Juste que, c’est -24h. Mais avec le bébé on s’est vite adapté et jusqu’ici, on continue à le faire.

Parfois, il y a ce sentiment de culpabilité d’être en mer plutôt que de jouer son rôle de mère, mais, pour l’atteinte de certains objectifs professionnels, il faut certains sacrifices.

 

Quel est votre vœu aujourd’hui ?

Mon vœu, c’est la renaissance d’une compagnie maritime étatique avec une très bonne gestion et que se développe encore plus le domaine de la navigation au Togo.

Un message pour les jeunes filles !

Rêvez grand, priez, travaillez avec persévérance, soyez audacieuse quand il le faut et assurément, vous en sortirez victorieuse.

 

 

Propos recueillis par Eugenie GADEDJISSO TOSSOU

 

 

 

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